Actualités

Réorganisation des urgences pour une amélioration de l’efficience à l’HP Ouest Parisien

le 16/10/2018

Quelle a été la genèse du projet de réorganisation des urgences ?

Dr Romain M’bow Wolny : Il y a environ 10 ans, nous avons pris conscience de l’inadaptation des locaux des urgences de l’HPOP. Un projet de restructuration a alors progressivement germé et  pris forme en 2014, sous l’impulsion de notre directeur général, M. Julien Aguilar. Le siège du Groupe Ramsay Générale de santé a alors validé le principe d’une restructuration et nous avons  commencé à travailler sur le volet architectural du projet. Notre objectif était ambitieux : gommer tous les dysfonctionnements et redessiner les plans à partir d’une page blanche.

Quels étaient les dysfonctionnements constatés ?

Dr Romain M’bow Wolny : Les temps d’attente des patients s’allongeaient toujours plus, dans des conditions pénibles pour tout le monde, patients comme professionnels. L’équipe des urgences était à flux tendu tous les jours, accumulant fatigue, tensions et insatisfaction.

Une seule infirmière se chargeait de l’accueil – jusqu’à 120 patients par jour –  avec des créneaux de 12h de travail harassant, qui l’exposait à un stress important et des risques d’erreurs d’orientation. Seules les urgences vitales étaient prises en charge prioritairement. Les autres patients pouvaient attendre longtemps avant d’être pris en compte. Tout ce monde exaspéré créait de véritables « bouchons » en salle d’attente.

Pour assurer la sécurité du patient et en l’absence de circuits post urgences, nous cherchions à réaliser tous les examens sur le champ, quels que soient la gravité ou l’urgence du cas. Nous sollicitions donc l’ensemble des praticiens de garde ou d’astreinte, dans une relation souvent tendue et pressante, qui ne faisait qu’aggraver la tension au sein du service. 

Quelles ont été les orientations privilégiées dans votre réflexion ?

Dr Romain M’bow Wolny : Avant de réfléchir à une nouvelle organisation, nous nous sommes posé la question : « Qu’est-ce qu’un service des urgences ? » Nous sommes partis de l’idée que c’est une interface qui met le patient au cœur d’un nœud de communication qui lie tous les protagonistes des urgences : infirmières, famille, médecins, radiologues... Il nous fallait donc réfléchir à l’amélioration de ces réseaux de communication et les fluidifier. En intégrant notamment une réflexion spatiale: comment le patient se déplace t-il au sein des urgences, tout au long de son parcours? Le principe qui prévaut depuis des années  est « la marche en avant » : le patient doit franchir des étapes successives et ne pas revenir sur ses pas. Un peu compliqué avec des locaux tout en longueur !

Dans une région où la médecine de ville est dans un état de grave pénurie, un service des urgences est aussi un service de premier recours. Les patients privés de médecin généraliste atterrissent aux urgences pour de la consultation simple mais aussi pour un besoin de suivi de leurs pathologies sans hospitalisation. Nous avons le devoir de les accueillir et de les orienter efficacement vers les bons spécialistes, et cela sans perdre de vue notre mission première: assurer les urgences vitales.

Pour amorcer notre réflexion sur une nouvelle organisation, nous avons étudié de près les urgences de l’Hôpital Privé d’Antony, réputées pour leur efficacité. Nous avons réalisé que nos box étaient sursaturés, et que ce manque de salles d’examens disponibles empêchait toute ventilation des patients.

Quels sont les fondements de votre nouvelle organisation ?

Dr Romain M’bow Wolny : Nous avons d’abord changé notre approche du tout au tout: désormais, le maître mot était de prendre en charge le plus vite possible toutes les pathologies qui pouvaient être gérées rapidement, de façon à désengorger la salle d’attente, et non plus uniquement les urgences vitales.

Nous avons ensuite agi sur les ressources en renforçant les capacités d’accueil avec une 2e infirmière et la création d’un poste de médecin de coordination et d’orientation permettant un tout autre fonctionnement. Maintenant, avec l’avis si besoin du médecin coordonnateur, les infirmières identifient les patients présentant des pathologies simples et les “extraient” de la file d’attente pour qu’ils soient traités rapidement par ce médecin.

Cette prise en charge rapide ou « circuit court » est désormais rodée pour les urgences mains, la pédiatrie, la gynécologie, l’ophtalmologie et les lombalgies, véritable mal du lundi matin !

Pour tous les autres patients, ce sont les infirmières qui ont la responsabilité de décider s’ils doivent être traités tout de suite ou pas, même si les urgentistes restent présents en cas de doute pour sécuriser leur passage aux urgences.

En tout début de projet,  nous avons négocié avec les radiologues et obtenu que toutes les demandes des urgentistes soient acceptées et organisées dans un délai raisonnable, par la simple transmission d’un bon nous épargnant des appels téléphoniques chronophages.

Nous avons ensuite structuré le service en marquant beaucoup plus clairement les secteurs Accueil, Médecine et Traumatologie, avec des binômes dédiés composés d’un médecin et d’une infirmière et une répartition spatiale dans les deux longueurs des locaux.

Y a t-il des résultats chiffrés ?

Dr Romain M’bow Wolny : Avant même le réorganisation spatiale en secteurs, nous avons constaté une augmentation significative des passages de 6 ou 7% et réussi à réduire la durée de passage de presqu’une demi heure. Tout cela à effectifs constants puisque les nouvelles ressources ont été redispatchées du secteur des soins vers l’accueil. Nous comptons bien améliorer encore ces scores à partir de janvier,  grâce à une 4e présence médicale en journée et une infirmière supplémentaire.

D’autres axes d’amélioration sont en test. Pouvez-vous nous en parler?

Dr Romain M’bow Wolny : En effet !  Depuis quelques mois, nous avançons dans la mise en place des circuits post urgences, qui permettent de reporter dans les 48h qui suivent le passage aux urgences, la réalisation des examens et les consultations avec les spécialistes. Le but est d’assurer la sécurité des patients sans pour autant désorganiser les planning des autres praticiens par nos demandes répétées. Nous avons d’ores et déjà réussi avec l’équipe de radiologie qui nous réserve des créneaux pour les échographies, et avec les ORL qui se sont organisés pour recevoir chaque jour les patients en post urgences sans rendez-vous. ça marche très bien et nous avançons étape par étape, praticien par praticien, pour développer l’équivalent avec les autres spécialités.

Nous testons par ailleurs un autre moyen quasi révolutionnaire d’améliorer la qualité de vie au travail: un système de rotation des binômes en place afin qu’ils changent de secteur toutes les 4 heures et évitent toute lassitude, notamment au sein du secteur médecine, beaucoup plus lourd à gérer. Ce système est également un gage de polyvalence même si le référent de chaque secteur reste inchangé. En cas de surtension dans l’un des secteurs, des mécanismes d’assouplissement permettent d’impliquer des ressources de l’autre secteur pour absorber collectivement la charge de travail.

Autre petite révolution : nous mettons en place dès l’accueil des protocoles de réalisation d’examens sans avis médical, en cas d’afflux important de patients. Ils sont déclenchés par les infirmières à partir d’arbres décisionnels et validés systématiquement par le médecin coordonnateur. Ces examens incluent d’ores et déjà l’électrocardiogramme, la bandelette urinaire, la radiologie conventionnelle et la biologie standard. Nous aimerions étendre cette méthode de standardisation à d’autres pathologies.

En accueillant chaque année plus de 50 000 patients, nous faisons partie des 20% plus gros services d’urgences en France, privés et publiques confondus. Il est donc crucial que la qualité de notre accueil et de nos soins soit à la hauteur de cette envergure.